Oriane Sarrasin : « Il est impératif de réduire notre consommation d’énergie »

Dans sa nouvelle chronique pour « direct », la psychologue sociale Oriane Sarrasin revient sur la Loi sur l’électricité, adoptée en juin dernier par la population. Pourquoi cette loi est une bonne nouvelle ? Car elle conduit les producteurs d’électricité à aider les consommateur-trices à réduire leur consommation d’énergie. Et cela fonctionne.

Que cela soit pour le climat ou pour réduire notre dépendance à la production étrangère, il est impératif que nous réduisions notre consommation d’énergie. Passer au renouvelable ne suffira en effet pas, il faut également et impérativement s’engager dans la voie de la sobriété. La loi sur l’électricité que le peuple suisse a accepté à près de 69% le 9 juin pose des objectifs clairs en la matière : en 2050, et en comparaison à l’an 2000, une consommation énergétique totale diminuée de 53%, et celle d’électricité de 5% (avec un objectif intermédiaire de 13% pour 2035, l’électrification croissante attendue du parc automobile faisant remonter les besoins à terme).

« Même s’ils peuvent provoquer des soubresauts, des changements de cadres permettent bien souvent la normalisation, à terme, de certains comportements. »

Sensibilisation ou responsabilité individuelle ?

Comment faire en sorte que tout le monde réduise sa consommation d’énergie ? Deux stratégies sont généralement mobilisées pour modifier les comportements des individus, quel que soit le domaine concerné. On peut, d’un côté, se baser sur des campagnes de sensibilisation pour convaincre les citoyen-nes de changer leurs habitudes. On peut penser ici aux campagnes de prévention contre le tabagisme ou à celles de la Confédération durant l’hiver 2022-2023 pour réduire notre utilisation d’énergie. D’un autre côté, des instances dirigeantes (autorités politiques, direction d’une entreprise, etc.) peuvent mettre en place des mesures pour limiter la pratique de certains comportements, dans la mesure de leur champ d’action. Pour reprendre les exemples précédents, fumer est maintenant interdit dans les restaurants de notre pays, et une université suisse a, l’hiver dernier, baissé de deux degrés le chauffage de ses bâtiments.

« Foi en la responsabilité individuelle ou en l’action étatique : c’est bien souvent en fonction de nos convictions que nous répondons. Dans les faits, il paraît stérile d’opposer ces deux approches. »

Laquelle de ces deux approches, de la sensibilisation et du changement de cadre, est la plus efficiente ? Foi en la responsabilité individuelle ou en l’action étatique : c’est bien souvent en fonction de nos convictions que nous répondons. Dans les faits, il paraît stérile d’opposer ces deux approches car c’est bel et bien leur combinaison qui permet des avancées significatives. On peut en effet y voir un cercle vertueux : la thématisation d’une problématique via des campagnes de sensibilisation mène à une plus grande acceptation de nouvelles lois ou normes. En parallèle à cela, même s’ils peuvent provoquer des soubresauts, des changements de cadres permettent bien souvent la normalisation, à terme, de certains comportements.

« Ces programmes sont-ils efficients ? Il semblerait bien. A Genève, ce seraient près de 10 % de la consommation de totale qui aurait été ainsi économisés.»

Les fournisseurs d’énergie devront aider les consommateur-trices

Comment allier stratégiquement sensibilisation et changement de cadre ? La loi acceptée le 9 juin propose une manière innovante et intelligente de le faire, en s’appuyant sur les fournisseurs d’énergie. Ceux-ci devront en effet « atteindre les objectifs par des mesures visant à accroître l’efficacité énergétique des appareils, installations ou véhicules électriques existants chez les consommateurs finaux suisses » (art. 46b, al. 2). Certains de ces fournisseurs proposent déjà des programmes permettant aux ménages privés, et parfois également aux entreprises, de bénéficier gratuitement ou à un prix réduit de matériel plus efficient et de conseils personnalisés pour diminuer leur consommation énergétique. Alors que la mise en place de tels programmes repose actuellement sur le bon vouloir des fournisseurs d’énergie, la loi sur l’électricité les pousserait à le faire.

« Permettre ces économies d’énergie par ricochet, via les acteurs-clé que sont les fournisseurs d’énergie, constitue une idée innovante et bienvenue. »

Ces programmes sont-ils efficients ? Il semblerait bien. À Genève, ce seraient près de 10 % de la consommation de totale qui aurait été ainsi économisés. Un projet de recherche que j’ai menée il y a quelques années avec un fournisseur d’énergie a en outre montré que l’effet de base de programmes d’économies d’énergie peut même être boosté. Les résultats de notre étude auprès de ménages de plusieurs quartiers d’une même ville en effet indiquent que mettre en avant les bénéfices des réductions d’énergie, pour le portemonnaie et pour le climat, accentuait leur impact, plusieurs mois plus tard après l’intervention. Permettre ces économies d’énergie par ricochet, via les acteurs-clé que sont les fournisseurs d’énergie, constitue une idée innovante et bienvenue. En acceptant la loi sur l’électricité le 9 juin dernier, la population a su faire le bon choix.

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