« Ce projet est totalement contraire à ce que la population souhaitait lorsqu’elle a approuvé l’initiative sur les soins. »

Le 24 novembre, le projet de financement uniformisé des soins ambulatoires et hospitaliers (EFAS) sera soumis au vote. L’ancien sénateur Paul Rechsteiner (PS), s’oppose fermement à cette réforme.

Paul Rechsteiner.

« Direct » : Paul Rechsteiner, vous êtes très critique sur ce projet. D’où vient votre opposition ?

Paul Rechsteiner : Pour comprendre ce projet, il faut en connaître les origines : c’est un projet qui favorise avant tout les caisses d’assurance maladie. Il émane de l’initiative de l’ex-directeur désormais discrédité de l’association des caisses d’assurance maladie Curafutura, Pius Zängerle, qui a réussi à convaincre l’ancienne politicienne du PDC, Ruth Humbel, de déposer le projet au Parlement. Comme on le sait, les assurances y ont un puissant lobby. Mais les cantons étaient initialement opposés, car ils devront à l’avenir transférer leurs contributions aux coûts de santé – qui s’élèvent aujourd’hui à 13 milliards de francs – aux assurances.

« Pour la population, c’est une réforme dangereuse aux lourdes conséquences. »

« Direct » : Pourquoi les cantons ont-ils finalement changé d’avis ?

Paul Rechsteiner : Ils ont modifié leur position lorsqu’ils ont réussi à inclure le financement des soins dans le projet, ce qui leur permet de se décharger de leur responsabilité actuelle. Les assurances et les cantons ont sauvegardé leurs intérêts. Les perdant-es sont les assuré-es, les payeurs et payeuses de primes, les patient-es, et surtout les personnes qui ont besoin de soins. Pour la population, c’est une réforme dangereuse aux lourdes conséquences.

« Direct » : Quelles sont les principales raisons de voter « non » ?

Paul Rechsteiner : Mon opposition repose sur trois raisons. Premièrement, ce projet entraînera une augmentation des primes et des coûts pour les assuré-es, notamment parce que les coûts croissants des soins seront désormais principalement financés par les primes et non, comme auparavant, par les cantons. Deuxièmement, EFAS risque de dégrader la qualité des soins, les cantons se désengageant de leurs responsabilités, ce qui met en péril la qualité des soins et augmente la pression sur les conditions de travail. Cela va à l’encontre de ce que la population a exprimé quand elle soutenu l’initiative pour les soins.

Photo : Jsme Mila (Pexels)

« Direct » : Et la troisième raison ?

Paul Rechsteiner : Troisièmement, le transfert total du financement aux caisses d’assurance va aggraver les problèmes financiers des hôpitaux centraux. La pandémie de Covid nous a montré de façon dramatique combien une gestion hospitalière efficace est essentielle pour la population.

« Direct » : Le projet vise également à renforcer les soins ambulatoires. N’est-ce pas une mesure positive pour réduire les coûts de santé ?

Paul Rechsteiner : Certes. Cette évolution est toutefois déjà en cours. De nombreuses interventions qui nécessitaient auparavant une hospitalisation sont aujourd’hui réalisées en ambulatoire. Cette évolution ne dépend pas de la personne qui paie les factures. Elle est régulée par les tarifs et les spécialistes. Le marché de la santé est dominé par l’offre. Il est possible de le réguler, notamment dans le domaine des spécialistes, qui jouent un rôle clé dans l’augmentation des coûts. EFAS ne représente aucun progrès à cet égard.

« Les assuré-es, les patient-es et les employé-es du secteur de la santé paieront les conséquences par une pression accrue sur les conditions de travail. »

« Direct » : Quel impact EFAS aura-t-il sur les coûts de santé et les primes des assuré-es ?

Paul Rechsteiner : Je suis stupéfait d’entendre ces derniers jours le Conseil fédéral affirmer qu’EFAS n’entraînera pas d’augmentation des primes. J’étais dans la Commission qui a examiné ce dossier. Les documents officiels de l’administration indiquaient clairement que le changement de financement dans 17 cantons entraînerait à lui seul une hausse des primes. C’était incontestable. S’y ajoutent les augmentations de coûts liées à la réforme, en particulier du fait que les soins seront à l’avenir davantage financés par les assuré-es et non plus par les cantons. Le fait que le Conseil fédéral nie l’impact d’EFAS sur les primes pendant la campagne référendaire est proche de la désinformation.

« Direct » : À qui profite donc EFAS ?

Paul Rechsteiner : Aux caisses d’assurance-maladie, qui deviendront encore plus puissantes à l’avenir avec la nouvelle clé de financement. Les cantons, qui se déchargeront des coûts des soins. Les assuré-es, les patient-es et les employé-es du secteur de la santé paieront les conséquences par une pression accrue sur les conditions de travail. EFAS est une mauvaise proposition. Elle annule d’un coup les acquis du fina

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