Et si l’égalité commençait tout petit ? Cela peut sembler évident en 2025, mais il reste encore beaucoup de travail pour atteindre cet objectif.
Dans le cadre de cette chronique, j’ai discuté avec Martine Saillant, ancienne directrice des crèches de l’Université en partenariat avec la Ville de Genève et militante pour l’enfance. Partager l’expérience d’une femme qui a œuvré toute sa carrière pour faire reconnaître la petite enfance et défendre l’égalité des chances dès la naissance était une évidence. Lors de notre échange, elle m’a rappelé que certaines mesures sont simples et accessibles et qu’elles dépendent uniquement d’une volonté politique.
Un enfant, une place
Le milieu socio-économique d’une famille influence fortement l’égalité des chances dès la naissance. En Suisse, la Commission fédérale pour les questions familiale (COFF) a constaté en 2021 que les enfants issus de « milieux défavorisés ou de la migration » ont moins de chances d’être accueillis dans une crèche. Alors que ces enfants en profiteraient le plus.
« L’école gratuite pour toutes et tous est une évidence, et cela devrait l’être aussi pour l’accueil préscolaire. La petite enfance fait partie intégrante du service public. »
En tant que professionnelle, je constate au quotidien les répercussions sur les enfants. Pour moi, « une place de crèche pour chaque enfant » n’est pas qu’un slogan : c’est une mesure efficace pour lutter contre les inégalités.
La Commission suisse de l’Unesco rappelle que cet encouragement précoce requiert du temps et des ressources — des moyens financiers et du personnel qualifié — pour briser le cercle vicieux de la pauvreté et renforcer la cohésion sociale en permettant une mixité d’accueil favorisant l’inclusion.
« En faisant de l’accueil extrafamilial un service public, la Suisse ferait un grand pas pour l’égalité. »
La Suisse est à la traîne ! Avant leurs quatre ans, les enfants restent à la charge des familles. La Confédération renvoie aux cantons et communes leurs responsabilités, au lieu d’assumer ses obligations envers les adultes de demain. L’école gratuite pour toutes et tous est une évidence, et cela devrait l’être aussi pour l’accueil préscolaire. Comme me l’a rappelé Martine Saillant, la petite enfance fait partie intégrante du service public.
Investir dans le futur
À l’heure actuelle, la Suisse ne dépense que 0,1 % de son PIB pour l’accueil extrafamilial. Ce n’est pas suffisant ! En faisant de l’accueil préscolaire un service public, comme le demande par exemple l’initiative pour les crèches, la Suisse ferait un grand pas pour l’égalité.
L’éducation préscolaire offre des apprentissages fondamentaux sur lesquels les enfants pourront s’appuyer plus tard. Cela réduit les risques d’échecs à l’adolescence.
Cet investissement se répercute sur la prospérité d’un pays. Michel Vandenbroeck, docteur en pédagogie et professeur à l’Université de Gand, rappelait en 2018 que « l’éducation semble (re)produire les inégalités sociales et, par ricochet, les inégalités sociales menacent la cohésion et l’avenir économique des pays. »
Une autre éducation est possible
En Italie, une alliance gauche-droite dans la ville de Reggio Emilia a promu l’éducation comme un moyen de lutter contre l’ignorance et l’autoritarisme après la Seconde Guerre mondiale. Toute la ville s’est engagée pour valoriser les compétences des enfants, considéré-es comme des citoyen-nes à part entière.
En conclusion, agir dès la petite enfance est une de meilleures manières de lutter contre les inégalités et ainsi réduire la facture à l’adolescence. Comme l’ont montré plusieurs rapports, la Suisse devient chaque jour un peu plus inégalitaire. Pour combattre cela, il faut commencer par le début : la petite enfance.
Amanda Ojalvo est éducatrice de l’enfance et adjointe de direction. Elle s’engage pour des crèches de qualité et abordables pour toutes les familles. En investissant dans les crèches, elle veut l’égalité des chances dès la naissance. Amanda Ojalvo est également élue (PS) au Conseil municipal de la Ville de Genève depuis 2019.
Cette chronique est une « carte blanche » et reflète l’opinion de son autrice.