« Drame familial » ou « crime passionnel » ne sont que deux des nombreux termes malheureusement encore utilisés par les médias pour décrire des féminicides. De même que les homicides commis contre des femmes ne sont souvent pas clairement nommés, il n’existe pas de monitoring de cette forme extrême de violence spécifique au genre à l’échelle européenne – pas plus qu’en Suisse. En analysant laborieusement des articles de journaux, des rapports de police et d’autres reportages, différentes ONG tentent de recenser elles-mêmes les féminicides. Mais les données restent incomplètes en raison du manque de sources. Il est difficile d’établir des comparaisons et d’en tirer des conclusions.
Suivi et prévention
Cela devrait change en Belgique. Après le nouvel homicide brutal d’une jeune femme à l’automne dernier, le Gouvernement a élaboré une loi contre les féminicides. La Chambre des député-es l’a adoptée fin juin. La Belgique est ainsi le premier pays à disposer d’une loi complète contre les homicides liés au genre. Jusqu’à présent, le féminicide n’est reconnu comme un délit qu’en Espagne et en Italie.
La loi belge définit le terme de féminicide et prévoit une collecte de données pour enregistrer différentes caractéristiques concernant les victimes, les auteurs et leur relation. Un comité scientifique doit analyser ces données et publier un rapport à ce sujet. La protection des victimes est renforcée et les policier-ères sont sensibilisé-es par des formations afin de mieux reconnaître les signaux d’alarme.
Comme c’est toujours le cas pour les lois visant à améliorer la protection contre la violence sexiste, la nouvelle loi belge a été précédée d’un grand engagement de la société civile par des organisations féministes.
Le terme « féminicide » désigne un homicide spécifique au genre de la victime. Lhomicide est souvent le fait d’un partenaire, d’un ex-partenaire ou d’un autre membre de la famille. Mais on parle aussi de féminicide lorsqu’un client tue une travailleuse du sexe. Est également considéré comme un homicide lié au genre le décès d’une femme après un avortement forcé ou d’une fillette après une mutilation génitale.
Le code pénal suisse ne reconnaît pas le féminicide
En Suisse aussi, une femme meurt en moyenne toutes les deux semaines sous les coups d’un homme. L’organisation Stop Femicide indique que 14 féminicides ont déjà été commis en Suisse. La conseillère nationale socialiste Tamara Funiciello qualifie ces homicides liés au genre de « partie émergée de l’iceberg ». Un coup d’œil sur les chiffres de la violence domestique confirme cette affirmation : 20 000 actes de violence contre les femmes sont déclarés chaque année en Suisse. Ce chiffre élevé le montre : la violence spécifique au genre est une problématique qui touche l’ensemble de la société et qui résulte d’un manque d’égalité, d’une image stéréotypée des rôles de genre et d’une masculinité toxique.
La mise en œuvre de la Convention d’Istanbul se fait attendre
Dans le cadre de la lutte contre la violence sexiste, la Suisse a ratifié la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe. Celle-ci est entrée en vigueur en 2018. Dans un bilan intermédiaire après quatre ans, « Grevio », l’organe d’expert-es de l’UE actif dans ce domaine, voit un grand potentiel d’amélioration dans de nombreux domaines. Cet organe estime ainsi que le financement des programmes de prévention est insuffisant. Grevio déplore également que les féminicides ne soient pas nommés et reconnus en tant que tels.
Toujours est-il que la modification du droit pénal suisse en matière sexuelle en vue d’une solution « un non est un non », tenant compte de l’effet de sidération, a entre-temps été adoptée par le Parlement. D’autres améliorations pourraient être obtenues, mais sont régulièrement bloquées par la majorité de droite dans les deux Chambres du Parlement.
En 2011, le Conseil de l’Europe a élaboré la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). La convention est un traité de droit international qui crée des normes juridiques contraignantes. Tous les pays qui ont ratifié le traité sont tenus de prendre des mesures en ce sens