A l’origine, c’est-à-dire lorsque les primes de l’assurance-maladie étaient encore inférieures à 150 francs par mois et par assuré-e, le fait que chacun-e paie la même prime était un acte fort de solidarité : pas de surcoût pour les personnes dont l’état de santé est précaire et donc mutualisation presque complète du risque lié à la santé.
Mais voilà, quelques décennies plus tard, le poids des primes est tel qu’il est devenu insupportable pour une part importante et croissante de la population. Avec des montants de plusieurs centaines de francs par personne et par mois, il devrait être impensable de ne pas tenir compte du niveau de revenu des assuré-e-s, comme c’est le cas de façon générale dans les assurances-sociales. Le meilleur exemple pour cela est l’AVS, premier pilier de notre système solidaire pour financer les retraites de tout le monde.
Et pourtant, dans l’assurance-maladie, les résistances idéologiques et la défense d’intérêts particuliers ont jusqu’ici empêché de mettre en place cette élémentaire solidarité.
Un fossé entre riches et pauvres et entre malades et bien-portant-es dans la santé
Résultat : les modèles particuliers d’assurance et de franchises se développent, qui génèrent toujours plus d’obstacles dans l’accès aux soins ; et davantage aussi de ruptures dans les mécanismes de solidarité : celles et ceux qui ont les ressources suffisantes (financières ou de santé) pour assumer quelques risques trouvent le moyen de réduire leurs primes sans se mettre en danger. En même temps, les plus fragiles ont le choix de payer les primes les plus élevées ou de prendre le risque de devoir renoncer aux soins en cas d’atteinte à leur santé.
Ça ne peut plus durer ! Et il n’y a aujourd’hui guère que le peuple qui puisse changer cela. C’est ce que dit le parti socialiste en lançant son initiative « rabais de primes pour renforcer le pouvoir d’achat ». Celle-ci devrait conduire à une réduction des primes pour 85 % de la population grâce aux 15 % des personnes aux revenus très élevés, qui paieraient un peu plus.
Oui à plus de solidarité !
Alors disons-le d’emblée à toutes celles et à tous ceux qui objecteront que l’initiative ne règle rien et qui clament que c’est à l’évolution des coûts qu’il faut s’attaquer et pas au financement des primes : les mêmes sont régulièrement au rendez-vous pour dire qu’ils ne peuvent pas s’engager pour réduire les coûts vu l’évolution de la technique et de la démographie. Les coûts de la santé sont donc appelés à croître encore. Et il est par conséquent urgent de tenir compte de la capacité financière de chacun-e pour déterminer sa participation. Ainsi, pouvons-nous redonner du sens au terme d’assurance sociale.
L’initiative ne règle certes pas tout et d’autres avancées seront nécessaires, évidemment ; notamment pour développer une véritable conception de la santé publique dans notre pays, pour réintroduire davantage de démocratie et de responsabilités face aux choix qui s’annoncent dans notre système de soins ou encore pour assurer un accès aux prestations essentielles pour toutes et tous et sans obstacle. L’initiative du PSS n’empêchera aucun de ces progrès ; elle répond en revanche à un besoin urgent : celui de la solidarité.
Laurent Kurth a été Conseiller d’État neuchâtelois de 2012 jusqu’en 2024. Au cours de cette fonction, il était en charge du Département des finances et de la santé. Cette chronique est une « carte blanche » et reflète l’opinion de son auteur.
