Oriane Sarrasin : « Plus on est riche, plus on pollue – c’est un fait »

Selon les sondages, les électeur-trices suisses voteront non à l’initiative pour l’avenir de la Jeunesse Socialiste. Pourtant, elle permettrait de combattre l’inégalité des richesses et le réchauffement climatique. Alors, pourquoi même les non-riches sont-ils et elles contre ce projet ? Oriane Sarrasin a analysé ce casse-tête.

Portrait en buste d’Oriane Sarrasin souriante, lunettes et veste sombre, debout devant un mur de grosses boîtes rouges empilées sur le parvis d’un bâtiment en pierres clair. Sur les boîtes, on lit en blanc les inscriptions “Initiative pour l’avenir” et “Initiative für eine Zukunft”. Le ciel est nuageux et on distingue un arbre sans feuilles au loin.
Images : PS Suisse/mise à disposition

Ce dimanche, le peuple suisse se prononcera sur l’initiative populaire « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement » (dite initiative « pour l’avenir »). Alors que tout et son contraire a été entendu ces dernières semaines, il est temps de se rappeler un fait central : que l’on soit une personne, un ménage ou un pays, plus on est riche, plus la probabilité est grande que l’on pollue. Découle ensuite logiquement la question de la justice sociale : quand on contribue davantage à un problème, doit-on davantage y remédier ?

La justice sociale

Il est impossible de faire l’impasse sur deux dimensions lorsqu’on se penche sur la question de la justice sociale dans les crises environnementales : la dimension temporelle d’un côté, et la dimension géographique. Premièrement, si l’on prend des émissions de CO2 dont c’est l’effet cumulé qui provoque le dérèglement climatique, on peut se demander : si un pays a largement pollué par le passé, a-t-il « mangé sa part » du gâteau, et doit-il se mettre au régime sec ? Deuxièmement, la pollution (CO2, pesticides, etc.) générée dans un lieu donné ne sert-elle pas à répondre aux besoins (souvent excessifs) de consommation d’autres pays ?


« On peut se demander : si un pays a largement pollué par le passé, a-t-il ‹ mangé sa part › du gâteau, et doit-il se mettre au régime sec ? »


Il est facile de s’appuyer sur les émissions moindres de la Suisse, en comparaison à la Chine ou aux Etats-Unis par exemple, pour affirmer que notre pays pollue peu. Or, il n’y a pas que les émissions directes (produites sur le territoire) qui comptent, mais également celles que l’on importe. Et en Suisse, ces dernières sont bien plus importantes que les premières ; c’est même l’un des pays où la part des émissions indirectes est la plus élevée.

Cette notion de justice, on la retrouve dans certaines prises de décisions politiques, comme le nouvel objectif collectif quantifié de financement climatique (NCQG), renforcé lors de la toute récente COP (conférence des Nations unies sur les changements climatiques) à Belém. Très décevante en matière de sortie des énergies fossiles, cette 30ème édition de la Conférence des parties a tout de même permis de cimenter le soutien à l’adaptation dans les pays les plus vulnérables aux changements climatiques. Mais les pays les plus riches continueront-ils à contribuer ? Les constats tirés par Albert Rösti après cette dernière COP semblent présager d’un possible retour en arrière.

Quid des individus ?

C’est dans cette logique de justice que l’initiative pour l’avenir propose de modifier la Constitution fédérale pour « qu’un impôt sur les successions et les donations soit instauré au niveau fédéral. Si la somme de la succession et des donations d’une personne dépasse 50 millions de francs, la Confédération prélèvera un impôt de 50 % sur la part excédant ce montant ». L’idée de base ? Plus on est riche, plus on pollue. Et on doit contribuer, financièrement dans ce cas, aux efforts pour mettre en œuvre les engagements pris, notamment lors des Accords de Paris.


« Les empreintes les plus élevées se retrouvent chez ceux et celles dans des ménages à revenus élevés, et qui ne se préoccupent que peu du climat »


Que disent les études sur les liens entre richesse et pollution excessive ? Une analyse menée sur des données de 86 pays montrent que la moitié la moins riche de la population est responsable de moins de 20% de l’empreinte totale ; ce qui est encore moins que ce consomment les 5% les plus riches ! En Suisse, le revenu est le facteur qui explique le plus l’empreinte carbone : cela est notamment dû à l’usage accru de l’avion, plus marqué dans les classes de revenus plus élevées. À noter que les différences entre les niveaux de formation sont moins grandes.

Finalement, il est intéressant de mettre en exergue ce qu’on appelle une interaction entre deux facteurs, le revenu et la sensibilité aux questions environnementales.  Les empreintes les plus élevées se retrouvent chez ceux et celles dans des ménages à revenus élevés, et qui ne se préoccupent que peu du climat.

Vives attaques

L’initiative de la Jeunesse Socialiste a été présentée comme un « prétexte pour induire un changement radical du système économique », qui ferait fuir les grandes fortunes de Suisse (environ 2500 personnes seraient concernées par cette modification constitutionnelle). Ainsi, elle constituerait un danger pour les entreprises familiales. Mais il s’agit là de fausses informations. La question se pose donc : Qu’est-ce qui justifie les moyens financiers gigantesques engagés par les opposant-es à cette initiative ?


« Aucun groupe de personnes n’est aussi bien protégé des dangers du dérèglement climatique que les ultra-riches »


Peut-être le fait qu’elle nous met, collectivement, face à nos responsabilités, passées, présentes et futures ? Ou bien est-ce le fait qu’aucun groupe de personnes n’est aussi bien protégé des dangers du dérèglement climatique que les ultra-riches ? Après tout, ils réussissent toujours à s’échapper des conséquences de leur comportement.


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