En Indonésie, l’armée gagne du terrain

Une nouvelle loi militaire en Indonésie renforce considérablement le pouvoir des forces armées, au détriment de la démocratie, des droits des travailleur-euses et de la société civile. Les syndicats, les travailleur-euses de l'huile de palme et les communautés agricoles sont particulièrement touchés.

Une personne en Indonésie marche entre des rangées d’arbres de palmiers à huile, poussant une brouette métallique remplie de sacs clairs. Le sol, parsemé de feuilles et de brindilles de palmier, est couvert d’une fine couche d’herbe. Les palmiers, aux troncs rugueux, forment une allée dense dont le feuillage crée une voûte verte au-dessus du chemin.
Image : Agus Andrianto/CIFOR cifor.org blog.cifor.org If you use one of our photos, please credit it accordingly and let us know. You can reach us through our Flickr account or at: cifor-mediainfo@cgiar.org and m.edliadi@cgiar.org

Fin mars 2025, le Parlement indonésien a adopté une réforme controversée de la loi militaire (« Undang-Undang Tentara Nasional Indonesia »). Cette loi élargit les pouvoirs de l’armée et facilite l’accès des militaires à des fonctions civiles. Ceci constitue un net recul après des décennies de réformes démocratiques en Indonésie.

Beaucoup y voient un retour à la doctrine « Dwifungsi » de l’ère autoritaire de Suharto, dans laquelle l’armée assumait à la fois des tâches politiques et sécuritaires. De nombreux étudiant-es, syndicats et organisations de la société civile ont protesté contre cette réforme dans des dizaines de villes, mais la réponse de l’État a été sévère. L’intimidation, la violence et la répression exercées par la police et l’armée ont suivi.

Le mouvement des travailleur-euses est particulièrement sous pression. Le réseau Transnational Palm Oil Labour Solidarity (TPOLS) met en garde : la modification de la loi permet aux entreprises d’instrumentaliser plus facilement l’armée à des fins économiques, en particulier dans l’industrie de l’huile de palme.

L’armée comme bras armé des entreprises d’huile de palme

Il arrive régulièrement que les forces militaires et policières soient utilisées pour réprimer des manifestations, résoudre des conflits fonciers ou intimider les communautés locales.

Dans la région de Buol (Sulawesi central), cette réalité est connue depuis longtemps : Fatrisia Ain, membre du Plasma Farmers Forum Buol (FPPB), rapporte que des militaires occupent des postes de direction dans des entreprises d’huile de palme et répriment activement les grèves et les manifestations. « Ils sont dans les bureaux de la direction et s’opposent à nos revendications », affirme Ain.

La répression est également très visible dans l’ouest de Kalimantan : Firmansyah, membre du syndicat KASBI, fait état d’un conflit du travail qui dure depuis des années avec une entreprise d’huile de palme, au cours duquel plus de 2 000 travailleur-euses ont été licencié-es, sous la présence constante de la police et de l’armée. Une étude de Greenpeace Indonésie montre qu’entre 2009 et 2024, 45 % des membres du Parlement et 65 % des membres du gouvernement avaient des liens directs avec l’industrie des matières premières. La nouvelle loi militaire renforcera encore ces liens, au détriment de la marge de manœuvre démocratique.

Une alliance pour la démocratie et la justice sociale en Indonésie

Le réseau TPOLS appelle à une large coalition : seules les forces unies des travailleur-euses, des agriculteur-trices, des syndicats et des groupes marginalisés pourront défendre l’espace démocratique contre la militarisation croissante. « C’est un défi énorme pour tou-tes celles et ceux qui luttent pour la démocratie », déclare Rizal Assalam, coordinateur de TPOLS.

Cet article a été repris de Solidar Suisse.


LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici