Selon le Conseil fédéral, les comptes consolidés 2024 affichent un excédent de plus de 11 milliards, soit un tiers de plus que l’année précédente. Dans son communiqué, l’administration des finances met toutefois en garde contre « des difficultés financières pour la Confédération dans les années à venir ».
Le Conseil fédéral maintient son programme de démantèlement, qui prévoit notamment des coupes dans le domaine social, y compris dans les activités extrascolaires pour la jeunesse. Des organisations, telles que les scouts, les syndicats de jeunesse, les associations d’étudiant-es, les Unions chrétiennes et bien d’autres seraient concernées.
Le Conseil suisse des Activités de Jeunesse (CSAJ) a exprimé ses préoccupations dans une lettre ouverte adressée à la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter. Il critique le fait que les organisations de jeunesse n’aient pas été officiellement consultées dans le cadre du processus de consultation. « Direct » a rencontré le président de cette association de plus de 90 ans.
« direct » : Monsieur Burckhardt, le CSAJ a critiqué les coupes budgétaires fédérales dans une lettre ouverte adressée à la présidente de la Confédération et au Conseil fédéral. Quelles sont les conséquences de ce plan d’austérité pour les jeunes en Suisse ?
Jan Burckhardt : Nous identifions dans ce paquet de mesures au moins neuf coupes budgétaires qui nuisent aux organisations de jeunesse et aux jeunes. Trois d’entre elles n’apparaissent même pas dans la consultation : environ 10 % des moyens alloués à l’encouragement extrascolaire des enfants et des jeunes, à Jeunesse+Sport et à la mobilité internationale seront supprimés. En clair, cela signifie que l’accès aux activités physiques, aux contacts sociaux, à la santé mentale et à l’engagement bénévole sera rendu plus difficile pour les jeunes. Les organisations de jeunesse ne pourront plus remplir leur rôle d’accompagnatrices des jeunes dans la même mesure.
« l’accès aux activités physiques, aux contacts sociaux, à la santé mentale et à l’engagement bénévole sera rendu plus difficile pour les jeunes »
« direct » : Quelle est l’importance de ces organisations pour les jeunes ?
Jan Burckhardt : Je qualifie les organisations de jeunesse de colonne vertébrale de la société civile. Elles permettent aux jeunes d’acquérir des connaissances importantes qui auront une influence positive sur leur vie et sur la société. Elles leur offrent un espace où ils et elles peuvent développer leur autonomie. Les coupes budgétaires sont donc en contradiction avec la politique de la jeunesse menée ces dernières années, qui visait à renforcer une société inclusive et participative.
« direct » : Combien de jeunes sont concerné-es par ces mesures d’austérité ?
Jan Burckhardt : Nous partons du principe qu’un-e jeune sur trois entrera en contact avec l’une de nos organisations au cours de sa vie. Parmi elles et eux, certaines personnes et organisations sont doublement touchées par les coupes budgétaires. Ces coupes nous affaiblissent tous-tes. Les universités perdraient elles aussi 120 millions de francs. Les frais d’inscription devraient être multipliés par deux, voire par quatre. Ces mesures d’austérité touchent directement un très grand nombre de jeunes. Mais il existe aussi des effets indirects.
« Les attentes en matière de qualité des activités extrascolaires pour les jeunes ne cessent d’augmenter, mais leur financement diminue. »
« direct » : Lesquels ?
Jan Burckhardt : Les organisations de jeunesse contribuent par exemple beaucoup à l’intégration sociale des enfants dans un village. C’est pourquoi je ne saurais trop insister sur ce point : les activités extrascolaires pour les jeunes ainsi que les activités associatives pour les jeunes sont affaiblies et mises à mal par ces coupes, tout comme leurs nombreux effets positifs pour la société civile.
« direct » : Au sein du CSAJ, vous représentez la troisième plus grande association de jeunesse de Suisse, les Unions chrétiennes. Concrètement, qu’est-ce qui attend votre association si le programme de démantèlement est approuvé ?
Jan Burckhardt : Nous ne pouvons pas encore évaluer les conséquences exactes à l’heure actuelle. Ce que je peux dire, c’est que les fonds Jeunesse+Sport sont importants pour toutes les organisations qui mettent sur pied des camps. Actuellement, une organisation reçoit une indemnité journalière de 16 francs par enfant lorsqu’elle inscrit un camp auprès de Jeunesse+Sport. Avec une réduction de 10 %, il ne restera plus que 14,40 francs. Cela signifie par exemple, de renoncer à aller à la piscine après une randonnée. Ou bien nous devrons augmenter les contributions pour les camps, ce qui pénalisera davantage les familles à faibles revenus et renforcera les inégalités. Nous nous attendons également à une réduction du financement des formations continues et initiales. Or, celles-ci permettent d’apprendre des choses importantes, comme les concepts de protection nécessaires ou la manière de prévenir les agressions sexuelles. Les attentes en matière de qualité du travail extrascolaire avec les jeunes ne cessent d’augmenter, mais le financement diminue. Cela rend l’engagement plus difficile.
« Des conséquences importantes pour la jeunesse et son avenir sont présentées comme de simples ajustements budgétaires »
« direct » : Dans une lettre ouverte adressée à Karin Keller-Sutter, le CSAJ dénonce un déficit démocratique dans les mesures d’austérité. Pourquoi ?
Jan Burckhardt : Le Conseil fédéral a décidé de fragmenter le paquet de mesures et de ne pas mettre en consultation certaines mesures importantes à nos yeux. En tant qu’organisations de jeunesse, nous n’avons donc pas la possibilité de nous exprimer dans le cadre du processus formel et de faire part de nos inquiétudes. Des conséquences importantes pour la jeunesse et son avenir sont présentées comme de simples ajustements budgétaires et négociées dans le cadre des discussions budgétaires. Nous estimons toutefois qu’elles méritent un débat démocratique plus large.
« direct » : Cette réduction ne doit pas être comprise uniquement comme un positionnement en matière de politique financière, mais aussi en matière de politique sociale. C’est ce qui ressort de la lettre. Quel virage le Conseil fédéral a-t-il pris ?
Jan Burckhardt : Le projet de démantèlement n’est pas simplement une question de discipline budgétaire, il s’agit d’une nouvelle hiérarchisation des tâches de l’État. Le Conseil fédéral montre que la jeunesse n’est pas une priorité pour lui. Le message que nous recevons est le suivant : « Nous ne consacrons pas d’argent à la santé mentale des jeunes pour lutter contre le problème de la solitude, nous ne faisons rien pour promouvoir le bénévolat. » Mais j’aimerais encore dire quelque chose au sujet du montant qui doit être réduit.
« Les mesures qui ne sont pas soumises à consultation pourraient déjà nous toucher dans le budget 2026 »
« direct » : Volontiers.
Jan Burckhardt : Les organisations de jeunesse réalisent déjà beaucoup avec très peu d’argent. Ce sont des francs utiles qui sont supprimés. Et par rapport à l’ensemble des mesures d’austérité, cela représente une part presque ridicule : les coupes dans les activités extrascolaires pour les jeunes ne représentent qu’environ 10 millions pour 2027, sur un total de 3 milliards. Pour nous, la suppression de ces fonds aura toutefois des conséquences importantes.
« direct » : L’incertitude au sein des organisations de jeunesse est palpable.
Jan Burckhardt : Oui, ce signal envoyé par la Confédération suscite une grande incertitude. Nous n’avons pas non plus obtenu de réponse à la question de savoir comment la mise en œuvre concrète est prévue. De plus, nous recevons sans cesse des informations contradictoires : le premier rapport sur les mesures de réduction ne mentionnait pas le sport populaire. Mais le Conseil fédéral en a décidé autrement. À l’incertitude s’ajoute donc désormais la confusion. Ce qui nous inquiète particulièrement ce sont les mesures qui ne seront pas soumises à consultation et qui pourraient déjà nous toucher dans le budget 2026.