Réguler Airbnb face à la pénurie de logement

(KEYSTONE/AFP/LIONEL BONAVENTURE)

Loyers illégalement élevés, pénurie de logements : la situation des locataires ne cesse de s’aggraver ; pourtant, les locations commerciales de courte durée sur Airbnb sont en plein essor. Les réglementations visant à ramener ce modèle à l’idée de homesharing se multiplient également en Suisse. En mars, les Lucernois voteront eux aussi sur une « initiative Airbnb ».

Dans la Maihofstrasse à Lucerne se trouve un nouvel immeuble d’habitation de 15 appartements de 2,5 pièces, dont la ville a un besoin urgent. Actuellement, le taux de logements vacants de Lucerne est de 0,88 %, ce qui le place pour la première fois depuis 2016 sous le seuil de 1 %. Selon la Luzerner Zeitung, des logements devraient y être construits pour les étudiants-e.

Aujourd’hui, des appartements sont certes proposés à la location, mais pas sur Airbnb et sur un site web dédié : ils sont proposés par la société Gourmindia AG, qui exploite entre autres des hôtels à Lucerne. L’entreprise a d’emblée loué l’ensemble de l’immeuble collectif. Une nuit dans les nouveaux appartements de « Liv Suites » coûte entre 140 et 550 francs. Ceux qui restent trois à six mois ne paient pas moins de 3000 francs par mois. On cherche en vain des logements abordables pour les étudiant-es dans le nouveau bâtiment de la Maihofstrasse. Et ce, bien que les loyers élevés figurent justement dans les principales préoccupations des Suisses.

Lucerne vote sur la régulation des Airbnb

Les critiques à l’encontre de la location commerciale via Airbnb et d’autres plateformes comparables sont très répandues, surtout dans les hotspots touristiques suisses. L’année dernière, la capitale fédérale Berne a déjà adopté des mesures de régulation sur le périmètre de la vieille ville, avec un OUI atteignant près de 82 %. Désormais, les locations professionnelles et répétées de moins de trois mois et de plus de 90 nuitées ne seront plus autorisées par année civile. Au Tessin également, de nouvelles règles s’appliquent aux locations depuis décembre.

En mars, une initiative Airbnb sera également soumise au vote à Lucerne. Plus de 400 logements peuvent être loués sur la plateforme Airbnb à Lucerne. L’initiative populaire « Protéger les logements, réglementer Airbnb » du PS, de la Jeunesse socialiste, de l’ASLOCA et de Casafair demande également que les logements lucernois puissent encore être loués sur Airbnb et autres, mais au maximum pendant 90 jours par an.

Outre l’initiative, les Lucernoises et Lucernois voteront également sur un contre-projet. Celui-ci prévoit entre autres un quota par quartier, qui détermine combien de maisons et d’appartements peuvent encore être transformés en logements de courte durée. Les quotas fixés sont cependant si élevés qu’ils dépassent le nombre actuel de logements dans tous les quartiers, sauf dans le centre-ville. Ainsi, les locations de courte durée ne devraient pas être limitées, mais plutôt étendues.

Le « Homesharing » contre les revenus de la location de courte durée

Airbnb, Uber et consorts ont été créés dans le cadre de « l’économie du partage ». Il s’agit d’un système économique basé sur le partage de biens et de services entre les personnes, soit gratuitement, soit contre paiement. Mais comme les plateformes en ligne comme Airbnb autorisent également les locations commerciales, l’idée que « un plaisir partagé compte double » est devenu un modèle commercial qui promet des rendements élevés pour les propriétaires et qui pèse de plus en plus sur les locataires. C’est pourquoi la plateforme fait l’objet de vives critiques depuis des années.

Les villes européennes montrent l’exemple

Ce qui prend lentement forme dans certaines villes et cantons en Suisse est déjà mis en œuvre depuis longtemps dans d’autres villes européennes : Paris, Barcelone, Berlin et Amsterdam, entre autres, ont déjà introduit des règles strictes pour définir qui peut louer sur Airbnb.

Depuis 2017, les locataires d’Airbnb en France sont tenus d’enregistrer leur logement et d’indiquer le numéro d’enregistrement dans leur annonce. La maire de Paris, Anne Hidalgo, craint que la ville ne devienne un « musée à ciel ouvert » en raison de la multiplication des offres Airbnb et a annoncé en 2019 qu’elle ferait appliquer l’amende de 12,5 millions d’euros prévue par la loi pour les annonces non enregistrées.

A Berlin aussi, des mesures ont déjà été prises pour lutter contre l’éviction des logements abordables. Selon la loi sur le détournement d’usage, une autorisation pour la location à court terme d’une résidence entière doit être demandée à la mairie d’arrondissement compétente. Toute personne souhaitant louer une résidence secondaire doit également obtenir une autorisation. L’appartement peut ainsi être loué jusqu’à 90 jours par an. A Hambourg, depuis 2019, les appartements ne peuvent être loués à des hôtes que huit semaines par an et doivent également être enregistrés.

Voici ce que demande l'initiative lucernoise sur Airbnb :

• Les appartements ne peuvent être loués dans leur intégralité qu’au maximum 90 jours par an à des personnes qui séjournent à Lucerne conformément au §7 de la loi sur l’établissement et le séjour.

• Aucune prétention ne peut être déduite d’utilisations commerciales antérieures dépassant la mesure définie dans le présent document. Seules les prétentions découlant d’un droit supérieur font exception à cette règle.

• Sont exclus de cette réglementation les logements ou immeubles situés en zone agricole ou touristique.

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