Après le non net à l’initiative « No Billag » en 2018, l’UDC relance une nouvelle offensive pour couper les financements de la SSR. Le 8 mars 2026, les électeur-trices suisses seront appelés à se prononcer sur l’« initiative anti-SSR ».
L’objectif est clair : démanteler la SSR afin d’empêcher toute information équilibrée. Si elle est acceptée, le modèle américain pourrait s’imposer : des milliardaires comme Christoph Blocher achèteraient davantage de journaux gratuits pour orienter l’opinion publique, tandis que, via les réseaux sociaux, des oligarques de la tech’ décideraient quels contenus sont visibles pour qui. Un coup d’œil à l’étranger suffit pour mesurer les effets.
France : Bolloré, Hanouna et le RN contre les médias indépendants
Dans l’Hexagone, le pouvoir accumulé par le milliardaire Vincent Bolloré dans le monde médiatique est immense. Ces dernières années, l’homme d’affaires ultraconservateur s’est offert CNews, Europe 1 et le Journal du Dimanche (JDD) et a transformé ces médias en officine de propagande d’extrême droite. Son amitié personnelle avec Cyril Hanouna, agitateur condamné à plusieurs reprises pour avoir diffusé des images d’agressions sexuelles et des propos discriminatoires, est au cœur de la galaxie médiatique de l’extrême droite française.
Ensemble, les « médias Bolloré » organisent des campagnes coordonnées contre les médias indépendants et de service public et leurs journalistes. La chaîne d’information en continu d’extrême droite CNews appelle ainsi régulièrement à la privatisation de l’audiovisuel public français. Ces demandes sont alors remises sur le devant de la scène au moment opportun par le Rassemblement national. Vincent Bolloré s’est également offert la prestigieuse maison d’édition Hachette — permettant à des personnalités d’extrême droite comme Jordan Bardella d’y publier leurs livres-programmes avant de faire la tournée des « médias Bolloré » pour en faire la publicité. Ces stratégies délibérées participent quotidiennement à la normalisation des idées du RN et de la famille Le Pen.
Italie : Berlusconi et le pouvoir médiatique
L’Italie illustre comment des partis de droite et des oligarques peuvent influer sur le débat public par le contrôle des médias. Silvio Berlusconi, homme d’affaires devenu plusieurs fois Premier ministre, possédait un vaste empire médiatique — de la chaîne privée Mediaset à de nombreux titres de presse écrite. Il a utilisé cette influence pour affaiblir ses adversaires politiques et imposer son agenda. Sous son ère, le journalisme d’investigation a été systématiquement entravé : intimidations, actions en justice, et fermetures de rédactions critiques ont abouti à une distorsion massive de l’opinion publique. Les médias, censés jouer le rôle de « quatrième pouvoir », se sont transformés en instruments de sa stratégie politique.
Royaume-Uni : pression sur la BBC
Au Royaume-Uni, le service public (BBC) subit lui aussi des attaques politiques et financières. On l’accuse régulièrement de « biais de gauche », et des voix s’élèvent pour exiger des coupes budgétaires et des réformes menaçant son indépendance. Dans le même temps, le magnat Rupert Murdoch règne sur une large partie du paysage médiatique (The Times, The Sun, Sky News) et use de ses titres pour façonner les récits politiques. Des études montrent que de nombreux journalistes britanniques jugent aujourd’hui la liberté de la presse sérieusement compromise, et plusieurs ont fait état de menaces personnelles.
Allemagne : l’AfD contre ARD et ZDF
Le parti populiste d’extrême droite AfD accuse régulièrement les chaînes publiques ARD, ZDF et Deutschlandfunk d’« endoctrinement » et de « propagande ». Lors de meetings, des journalistes sont menacés, parfois même agressé-es physiquement. Parallèlement, l’AfD tente d’affaiblir financièrement le service public, notamment par des propositions parlementaires pour réduire la redevance audiovisuelle ou s’immiscer dans les décisions budgétaires. Des éditeurs conservateurs, comme Dieter Stein (Junge Freiheit), exploitent aussi leur audience pour renforcer des narratifs compatibles avec la ligne de l’AfD.
Et la Suisse ?
En Suisse, l’UDC vise la SSR pour empêcher une information équilibrée et renforcer ses propres canaux de communication. Des entrepreneurs de droite, à l’instar de Christoph Blocher, distribuent déjà des journaux gratuits qui touchent un tiers de la population. Le but de l’initiative anti-SSR est patent : affaiblir le service public et construire un « éco-système » médiatique où l’UDC contrôlerait le récit sans critiques ni contrepoids.
Qu’il s’agisse de Berlusconi en Italie, de Bolloré en France, de la pression sur la BBC en Angleterre ou des assauts de l’AfD en Allemagne, le constat est le même : là où les partis de droite affaiblissent ou contrôlent les médias publics, l’ordre démocratique se retrouve en péril.




