C’est presque une marque de fabrique de son style gouvernemental : depuis son élection au Conseil fédéral, Albert Rösti se distingue par ses initiatives solitaires, qu’il s’agisse d’ordonnances contournant le Parlement ou de projets politiques qui sapent la volonté des électrices et électeurs. Trois exemples montrent comment l’ancien lobbyiste de l’industrie automobile et pétrolière mène une politique avec son propre agenda.
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Extension des autoroutes malgré le « non » de la population
À l’automne 2023, les électeur-trices ont rejeté le projet d’extension des autoroutes, qui aurait coûté plusieurs milliards. Ce texte prévoyait six projets, notamment à Bâle, Schaffhouse et Saint-Gall. Mais le ministre des transports Rösti ne lâche pas : malgré le « non » sorti des urnes, il veut réexaminer certains projets d’extension.
L’Association Transports et Environnement (ATE) critique vivement cette démarche. La reprise de projets rejetés est contraire à la décision populaire, indique-t-elle dans un communiqué. La décision de Rösti est d’autant plus surprenante que l’état des lieux du projet « Transport 45 » est en cours : au début de l’année, le Conseil fédéral a chargé l’EPFZ d’examiner et de hiérarchiser différents projets en matière de politique des transports. Au lieu d’attendre les résultats, prévus pour l’automne, Rösti prend les devants et fait valoir ses préférences personnelles, selon l’ATE.
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Des centrales nucléaires au lieu de la transition énergétique
Avec sa stratégie énergétique 2050 et son oui clair à la loi sur l’électricité en juin 2024, la Suisse s’est prononcée en faveur d’une sortie progressive du nucléaire et du développement des énergies renouvelables. Pourtant, quelques mois plus tard, le Conseil fédéral a surpris tout le monde en faisant volte-face : à l’initiative de Rösti, il s’est déclaré ouvert à la construction de nouvelles centrales nucléaires.
Cet été, Rösti a remis la pareille lors d’un voyage médiatique et a réclamé une nouvelle centrale nucléaire pour couvrir les besoins croissants en électricité. Le conseiller fédéral UDC ignore ainsi deux éléments fondamentaux : une décision claire du peuple et les préoccupations de l’ensemble de la population en matière de sécurité nucléaire. Ce dernier point vaut également pour les nouvelles centrales nucléaires prétendument plus sûres. En effet, elles produisent elles aussi des déchets radioactifs qui restent extrêmement dangereux pendant plus de 100 000 ans et dont l’« élimination » reste à ce jour un problème non résolu.
3
Le service universel de la distribution postale menacé
Les ordonnances sont l’instrument préféré de Rösti pour démanteler les services publics. Elles relèvent de la compétence du Conseil fédéral et ne nécessitent pas l’approbation du Parlement. Le conseiller fédéral Rösti veut ainsi créer un fait accompli dans le domaine du service postal de base en révisant partiellement l’ordonnance sur la poste, avant même que la loi sur la poste ne soit révisée. Une démarche pour le moins discutable sur le plan politique.
La proposition de Rösti concernant la révision partielle de l’ordonnance sur la poste prévoit qu’à l’avenir, 60 000 ménages seront exclus de la distribution, dont presque toutes les fermes. Dans le même temps, la ponctualité de la distribution serait considérablement réduite.
Lors de la consultation de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national début juillet 2025, une motion du PS a toutefois été adoptée à la majorité : à l’avenir, la distribution à domicile doit rester garantie pour toutes les maisons habitées toute l’année en Suisse et les normes de qualité actuelles ne doivent pas être abaissées. Selon le PS, la suppression de la distribution pour 60 000 ménages est contraire à la mission de service universel.