Un monde pour les preneurs

Le nouveau rapport d’Oxfam montre que les inégalités entre riches et pauvres augmentent rapidement. Les fortunes des milliardaires ont crû de deux billions de dollars en 2024 — trois fois plus vite qu’en l’an précédent. Parallèlement, près de 3,5 milliards de personnes vivent encore sous le seuil de pauvreté et le nombre de personnes souffrant de famine atteint désormais 733 millions. Telle est la conclusion du rapport annuel d’Oxfam sur les inégalités.

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«L’art de prendre sans entreprendre», voilà le titre du rapport annuel sur l’inégalité mondiale de richesse, publié chaque année par Oxfam juste avant le Forum économique mondial à Davos. Il s’agit là d’une critique : les milliardaires, qui continuent d’accroître leur fortune, ne la méritent pas en travaillant, mais simplement en « prenant », écrit Oxfam.

En effet, 60 % de la richesse des super-riches provient d’héritages, de favoritisme, de corruption ou de monopoles. Ce système d’inégalité a pour conséquence que les dix milliardaires les plus riches deviennent en moyenne quotidiennement 100 millions de dollars plus riches. En même temps, près de 3,5 milliards de personnes vivent encore dans la pauvreté et le nombre des personnes touchées par la famine a augmenté de 152 millions depuis 2019 — atteignant désormais 733 millions.

Structures coloniales jusqu’à aujourd’hui

Selon Oxfam, notre monde est à bien des égards encore marqué par son passé colonial. Ainsi, la plupart des richesses se trouvent dans le Nord global. Au sein du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, les sept principales nations industrielles (G7) détiennent 41 % des droits de vote, bien qu’elles ne représentent pas plus de dix pour cent de la population mondiale. Une personne moyenne en Belgique a donc un poids de voix dans la Banque mondiale 180 fois supérieur à celui d’une personne en Éthiopie.

Ce système d’inégalité entraîne une exploitation accrue des personnes les plus touchées par la pauvreté, les groupes racialement discriminés, les femmes et autres populations marginalisées. De plus, ces personnes subissent de manière disproportionnée les effets du réchauffement climatique dont les principales responsables sont à nouveau les super-riches.

Trump, Musk et Co. menacent la démocratie

Avec Donald Trump de retour au pouvoir aux États-Unis, l’écart entre riches et pauvres devrait encore s’approfondir dramatiquement. La fusion entre politique et puissance économique, favorisée par Trump à son apogée, fait en sorte que les super-riches gagnent davantage d’influence. Elon Musk, propriétaire de la plateforme sociale X, préside désormais le « ministère de l’efficacité », créé par Trump. L’objectif : réduire et privatiser, ainsi que faciliter les impôts pour les super-riches. Ainsi, non seulement l’inégalité se renforce, mais aussi la démocratie est affaiblie. De plus, Trump veut affaiblir la lutte contre le changement climatique et quitter l’Accord de Paris, ce qui ne fera qu’accroître les inégalités.

Que faire ?

Oxfam appelle à rendre les élites riches responsables, car elles sont principalement responsables de la pauvreté, de la faim et de la crise climatique. Cela devrait se traduire par une imposition appropriée des multimilliardaires et des grandes entreprises multinationales ainsi que par une obligation légale d’assumer leur responsabilité pour leurs actions dans le Sud global. Après tout, ce sont elles qui tirent le plus profit de ce système injuste.

De telles revendications ont certainement du mal à passer actuellement. C’est pourquoi Oxfam demande qu’une politique fiscale mondiale soit promue sous l’égide des Nations Unies.

Et en Suisse?

Solidar Suisse, l’organisation suisse partenaire d’Oxfam, publie des chiffres sur la situation en Suisse. Il en ressort rapidement que les effets de l’inégalité sont ici aussi clairement perceptibles.

  • Fin novembre 2024, la fortune totale des milliardaires en Suisse s’élevait à 221,8 milliards de dollars américains pour 41 milliardaires.
  • En Suisse, une personne appartenant au 1 % des plus riches gagne autant en neuf jours qu’une personne appartenant au 50 % des plus pauvres en une année entière.
  • Depuis 2019, la fortune des milliardaires en Suisse a augmenté de 70,8 milliards de dollars, ce qui correspond à 39 millions de dollars par jour.

1 COMMENTAIRE

  1. « Au sein du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, les sept principales nations industrielles (G7) détiennent 41 % des droits de vote, bien qu’elles ne représentent pas plus de dix pour cent de la population mondiale. », c’est ça justement que dénoncent beaucoup de personnes au Sud Global, qui préfèrent créer maintenant leurs institutions monétaires plus représentatives à leurs images comme la Banque des Brics, l’organisation de la Coopération de Shanghai, etc…
    Même si des institutions comme le FMI ou la Banque Mondiale sont encore hégémoniques, et pour réagir à la création de ces nouvelles institutions et faire croire au Sud Global que ces institutions hégémoniques les représente aussi, ces institutions hégémoniques font semblant de promouvoir la diversité en nommant des personnes racialisées (des indiens par exemple), mais qui en fait travaillent pour l’agenda occidental.

    Car malheureusement les organisations de l’ONU sont encore le reflet d’une époque quand une grande partie du monde était encore sous domination coloniale :1945-1959, alors que le monde d’aujourd’hui n’est plus évidemment celui des années 40 et 50.
    Et que même au-delà des changements géopolitiques, il ya eu aussi des changements démographiques majeurs, en s’appuyant sur l’exemple donné dans l’article sur la Belgique et l’Éthiopie: le 1er pays est 4 à 5 fois moins peuplé que l’Éthiopie, qui est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique après le Nigeria.

    Donc évidemment ces changements démographiques devraient être pris en compte dans les votes dans ces institutions hégémoniques (pas seulement monétaires, mais aussi politiques et culturelles comme le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’Unesco, même si les institutions culturelles de l’ONU font déjà plus pour corriger les injustices de représentations et de votes entre l’Occident et le Sud Global en leurs seins).

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