En 2008, la Confédération sauvait UBS à hauteur de 68 milliards. La banque s’était tellement effondrée en raison de ses activités bancaires d’investissement à haut risque qu’elle ne pouvait plus se remettre sur pied seule. Depuis, les élu-es de gauche n’ont cessé de réclamer un plafonnement des bonus, car ceux-ci incitent à un comportement particulièrement risqué de la part des banquiers. Le Credit Suisse a lui aussi une culture du bonus très active. La banque a certes enregistré trois milliards de pertes au cours des dix dernières années, mais elle a tout de même récompensé ses cadres supérieurs avec un total de 32 milliards de francs. Même après sa chute, elle entend maintenir cette pratique, comme il ressort d’une lettre de la banque datée de lundi.
La confiance en jeu
Une éventuelle suspension du versement des bonus est certes prévue dans la législation « too big to fail » de la loi sur les banques, mais seulement après que la banque a dû être sauvée directement ou indirectement avec l’argent des contribuables. Avant cela, elle peut agir comme elle l’entend. Ceci, ainsi que les nombreux autres scandales qui en ont résulté, ont conduit à la débâcle de Credit Suisse. Elle a littéralement perdu la confiance de ses client-es.
Depuis la crise bancaire de 2008, la gauche n’a cessé de réclamer une régulation de ces bonus et de la culture du risque qui les accompagne :
- En 2010, le Groupe socialiste a demandé un plafonnement des bonus à 30 % maximum du salaire fixe pour les banques d’importance systémique. Aucun bonus ne devrait être versé durant les exercices dont le résultat est négatif.
- En 2013, l’ancienne conseillère nationale socialiste Susanne Leutenegger Oberholzer a tenté de plafonner les bonus au niveau maximal du salaire régulier.
- En 2018, Susanne Leutenegger Oberholzer a déposé une nouvelle intervention. La motion « Halte aux bonus dans les banques d’importance systémique » demandait l’interdiction du versement de bonus dans les banques d’importance systémique Dans cette motion, elle évoquait déjà la situation problématique du Credit Suisse.
Une économie de marché garantie par l’État
Toutes ces interventions sont restées lettre morte La majorité bourgeoise n’a pas souhaité légiférer contre la culture du bonus, avec le résultat que l’on connaît. Le Conseil fédéral ne voyait pas non plus la nécessité d’agir : « cette intervention dans l’économie doit être rejetée », a déclaré l’ancien ministre des finances Ueli Maurer (UDC).
« TANT QUE LE RISQUE EST ASSUMÉ PAR L’ÉTAT, ON NE PEUT EN AUCUN CAS PARLER D’ÉCONOMIE DE MARCHÉ ».
Susanne Leutenegger Oberholzer, 2018
Entre-temps, tous les partis bourgeois ont annoncé que dans la débâcle bancaire actuelle, il fallait examiner de près qui a commis quelles erreurs et où. Le PLR a même exigé, à grand renfort médiatique, l’arrêt des versements de bonus au Credit Suisse Ils n’ont toutefois pas parlé des autres banques d’importance systémique.
Le Conseil fédéral a décidé a posteriori que le CS ne pouvait plus verser de bonus conformément à la loi sur les banques. Mais il ne veut rien faire avec effet rétroactif. Ceux qui ont été rémunérés en plus de leur salaire avant dimanche dernier peuvent le conserver – malgré une mauvaise gestion manifeste.
Il n’est donc pas certain que la débâcle du Credit Suisse amène les forces bourgeoises à changer véritablement d’avis Une fois de plus, c’est la population qui devra payer l’addition.