Depuis le virage à droite de 2023, l’UDC semble pouvoir satisfaire tous ses désirs dans sa volonté aveugle de démanteler le système d’asile suisse. C’est ce que montre un aperçu de la dernière session d’automne du Parlement : sur les 34 objets liés à la politique migratoire discutés au Parlement, l’UDC en a soumis la moitié. Il ne s’agit en aucun cas de réduire la « bureaucratie » ou de réaliser des économies, comme on le prétend souvent.
L’UDC ne vise rien d’autre que la suppression progressive des droits fondamentaux des réfugié-es. Le but final, avec son « initiative sur la protection des frontières », est l’abolition de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugié-es. Pour achever cela, elle bénéficie souvent du soutien du PLR et du Centre.
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Toujours aucune perspective pour les personnes admises à titre provisoire
Une motion de Christoph Riner, conseiller national UDC d’Argovie, demande la prolongation du délai pour déposer une demande pour cas de rigueur en vue d’obtenir un permis de séjour. Ainsi, les personnes admises à titre provisoire, les requérant-es d’asile et les sans-papiers ne devraient avoir la possibilité de déposer une demande qu’après 10 ans.
Les personnes admises à titre provisoire sont des personnes qui ne sont pas personnellement persécutées, mais dont le renvoi dans leur pays d’origine ne serait pas admissible en vertu du droit international, souvent en raison de guerres civiles ou de conflits armés. Toute personne admise à titre provisoire en Suisse depuis cinq ans peut aujourd’hui déposer une demande pour cas de rigueur.
Le Conseil fédéral a rejeté la motion, car elle « compliquerait l’intégration des personnes ». En effet, il est déjà clair aujourd’hui que la grande majorité des personnes admises à titre provisoire devront probablement rester longtemps en Suisse. Cependant, en raison de leur statut précaire, elles ne trouvent presque jamais d’emploi à long terme et doivent vivre pendant des années dans l’incertitude et sans perspective. Le regroupement familial n’est possible que dans des conditions pratiquement impossibles à remplir. Elles ont certes droit à l’aide sociale pour les réfugiés, mais celle-ci est bien inférieure à l’aide sociale déjà modeste.
Malgré tout cela, le Conseil national a approuvé cette motion.
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Moins de liberté de mouvement, plus de bureaucratie
Le conseiller national Christoph Riner souhaitait en outre restreindre davantage la liberté de mouvement déjà très limitée des requérant-es d’asile impliqués dans une procédure pénale. Toutefois, cela n’est pas conforme à la Constitution, comme l’écrit le Conseil fédéral dans son avis. Les cantons, qui ont la compétence pour ces procédures pénales, disposent déjà d’une marge de manœuvre suffisante à cet égard dans le cadre de la législation actuelle. Selon l’expert en matière d’asile Marc Baumgartner, cette motion de l’UDC ne fait qu’engendrer davantage de bureaucratie et de coûts pour l’administration fédérale.
Le Parlement a déjà décidé en 2021 de restreindre fortement la liberté de voyager des personnes en quête de protection, des personnes admises à titre provisoire et des requérant-es d’asile. Les voyages à l’étranger sont désormais interdits et ne sont autorisés que dans des cas exceptionnels, les critères pour en bénéficier étant extrêmement difficiles à remplir dans la réalité. De plus, les personnes admises à titre provisoire ne sont désormais plus autorisées à se rendre dans leur pays d’origine.
Les réfugié-es ukrainien-nes sont désormais également soumis à une restriction de leur liberté de voyager : ils ne sont autorisés à retourner dans leur pays d’origine que 15 jours par semestre. Et ce, même si de tels voyages seraient utiles : « Il est important pour toutes les personnes réfugiées de rendre visite à leurs connaissances et à leurs proches au pays ou de revoir leur domicile », souligne l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). En outre, cela pourrait favoriser un retour volontaire.
Ennemi principal : le statut S
Lors de la session d’hiver 2024, le Parlement a approuvé une motion de la conseillère aux États Esther Friedli (UDC) visant à restreindre considérablement le statut de protection S pour les réfugié-es ukrainien-nes. Le Conseil fédéral a reclassé en octobre dernier certaines régions d’Ukraine : le retour des personnes dans sept régions est désormais considéré comme « raisonnable ». Cependant, comme le souligne l’OSAR, des attaques aériennes et des frappes de drones russes ont récemment été enregistrées dans toutes ces régions.
Au cours de la session d’automne, l’UDC a lancé une nouvelle tentative pour supprimer complètement le statut S. Celle-ci a toutefois été rejetée par le Conseil national. Néanmoins, un changement clair s’opère ici : alors que les demandeurs d’asile provenant de pays tels que l’Afghanistan, la Syrie ou l’Afrique du Nord sont déjà confrontés à des difficultés importantes en Suisse en raison des préjugés racistes et antimusulmans, les Ukrainien-nes qui ont fui la guerre d’agression russe ont bénéficié d’une plus grande solidarité, y compris de la part des politiciens de droite et de leurs électeurs. Aujourd’hui, trois ans plus tard, cette solidarité s’estompe progressivement.
L’UDC n’a pas toujours réussi à faire passer ses propositions inhumaines. Deux exemples :
Le regroupement familial reste possible
Il y a un an, l’UDC a tenté d’interdire le regroupement familial pour les personnes bénéficiant d’une admission provisoire. Elle a répété à plusieurs reprises le discours erroné selon lequel les personnes admises à titre provisoire se trouvaient en situation irrégulière en Suisse et ne devaient donc pas pouvoir faire venir leur famille en Suisse. Cette proposition a été approuvée à la majorité par le Conseil national. Grâce au rejet du Conseil des États, cette demande est désormais à nouveau retirée. Ce refus a été précédé d’un tollé général : en quelques heures, pas moins de 120 000 personnes ont signé un appel du PS en faveur du maintien du regroupement familial.
Par ailleurs, les chiffres montrent que l’UDC ne cherchait qu’à attiser la haine avec cette demande. Les obstacles au regroupement familial pour les personnes admises à titre provisoire sont déjà si élevés que seule une centaine de demandes sont acceptées chaque année.
Asile pour les femmes afghanes
La deuxième initiative concernait le droit d’asile pour les femmes afghanes. Avec le coup d’État des talibans en 2021, celles-ci ont pratiquement perdu tous leurs droits dans leur pays d’origine. Depuis l’été 2023, la plupart des Afghanes obtiennent l’asile en Suisse en raison de cette oppression et du danger qui pèse sur leur vie. Cela a provoqué la colère des dirigeants de l’UDC et du PLR. Ils ont exigé que le Secrétariat d’État aux migrations modifie à nouveau sa pratique, mais ont finalement échoué au Conseil national.




