Féminicides : la réalité qui heurte

Depuis quelque temps, les féminicides sont enfin abordés par le grand public. Malheureusement, les faits continuent d’être présentés de manière déformée. Voici un aperçu plus juste de la situation.

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Image : Unsplash

Le fait que des hommes tuent des femmes, pour la seule raison qu’elles sont des femmes, est un problème social connu depuis des siècles. Cependant, le terme « féminicide » n’est apparu dans les milieux non féministes en Suisse que cette année.

Depuis, il fait l’objet de débats dans les médias et la sphère politique. Par conséquent, la droite et les antiféministes manipulent les faits pour répandre de fausses informations. Il est temps de les corriger. Voici quatre faits importants concernant les féminicides en Suisse.

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Le nombre de féminicides augmente depuis des années

La violence domestique est en hausse. C’est ce que montrent les statistiques policières de la criminalité pour 2024. Les féminicides ont également augmenté. Cependant, comme il n’existe pas d’Office qui recense ces données en Suisse, ce sont des bénévoles qui s’en chargent : le projet de recherche « Stop Femizid » compile depuis un certain temps les actes de violences sexistes et sexuelles (VSS) contre les femmes. Pour ce faire, les activistes lisent les articles de presse, les rapports de police et comparent les statistiques de la Confédération, de l’Office statistique de l’UE et de l’ONU.

En 2022, des hommes ont tué 16 femmes et filles en raison de leur sexe. Un an plus tard, le projet a recensé 18 victimes de féminicides, en 2024, 20 femmes et filles ont été tuées. En 2025, on en compte déjà 25, alors que l’année n’est pas encore terminée. Au moins neuf femmes et filles ont survécu à une tentative de féminicide. Cependant, le nombre réel de cas est probablement beaucoup plus élevé, comme pour les autres cas de violence domestique. Car tous les actes de violence ne sont pas signalés et n’apparaissent donc pas dans les statistiques.

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Le terme « féminicide » est pertinent en criminologie

Ce terme a déjà été abordé à plusieurs reprises dans la recherche criminologique. Deux criminologues allemandes écrivent en 2022 dans un article : « Contrairement aux meurtres commis au détriment des hommes, il existe chez les femmes une proportion non négligeable de cas où le sexe est déterminant pour le meurtre, que ce soit en tant qu’épouse ou fille ou, par exemple, dans les meurtres à motivation sexuelle — simplement parce qu’elles sont des femmes. »

Le terme « féminicide » permet d’examiner les actes de violence sexiste dans le contexte social global. Isabel Haider, chercheuse dans le domaine des crimes haineux et des féminicides, note également dans une interview : les théories générales sur la criminalité ont été développées par des criminologues blancs et masculins « exclusivement pour les victimes masculines ».

Dans le cas des féminicides, ces théories sont toutefois insuffisantes, car « les auteurs (de féminicides, n.d.l.r.) sont souvent motivés par le mépris ou le dénigrement des femmes ». Ainsi, pour développer des mesures de prévention, il faut un autre concept.

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Les VSS à l’égard des femmes ne sont pas un problème culturel

Dans les statistiques criminelles relatives aux VSS, les auteurs non suisses sont surreprésentés. Les chiffres nets montrent que, proportionnellement, davantage de citoyens suisses commettent des féminicides (61 %), mais ils représentent également une part plus importante de la population totale (environ 75 %). Les auteurs non-citoyens représentent 25 % de la population, mais 39 % des auteurs de féminicides. On en conclut que les féminicides sont plutôt un problème « d’étrangers ».

Comme toujours, les explications simplistes ne suffisent pas. La misogynie et les revendications patriarcales de propriété sur les femmes se retrouvent dans toutes les couches et tous les milieux culturels de la société. Il est dangereux de rejeter la responsabilité sur les « étrangers », car cela masque des schémas de pensée structurels et profondément enracinés dans l’ensemble de la société.

Si l’on veut lutter contre les féminicides, l’État et la société civile doivent s’attaquer à la racine du mal : il faut une politique de tolérance zéro contre la violence sexiste, quel qu’en soit l’auteur.

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La Suisse n’en fait pas assez pour protéger les femmes et les filles

Par rapport à d’autres gouvernements, comme celui de l’Espagne, la Confédération n’en fait pas assez pour prévenir cette violence systématique à l’égard des femmes. Huit ans après la ratification de la Convention d’Istanbul, le bilan est décevant : la Suisse ne respecte pas les obligations fondamentales de la convention et reçoit du Réseau Convention d’Istanbul une note clairement insuffisante pour sa mise en œuvre.

Certes, la Confédération, les cantons et les communes ont enfin adopté cette année 3 mesures urgentes pour lutter contre les féminicides. Cependant, les autorités ne souhaitent pas investir davantage dans la protection des victimes. Les maisons d’accueil pour femmes victime de violences tirent pourtant la sonnette d’alarme depuis longtemps. Faute de moyens additionnels, elles ne peuvent pas faire face à la demande grandissante.

Le PS Suisse et les Femmes socialistes ont donc décidé de lancer une initiative populaire contre les VSS. Cette initiative vise à contraindre la Confédération à agir. Elle comprend un financement suffisant du travail de prévention et d’aide aux victimes, ainsi que l’élaboration de normes minimales contraignantes pour ce travail. Ainsi, les offres de protection et de soutien pour les victimes seront enfin suffisantes et accessibles sans discrimination dans toutes les régions.


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