Après une volte-face chaotique du camp bourgeois au Conseil national, les choses sont claires : l’initiative sur les rentes des Jeunes Libéraux-Radicaux (JLR) sera soumise au verdict des urnes sans contre-projet. Le Conseil fédéral et le Parlement la rejettent. En plus de voter sur l’initiative pour une 13e rente AVS, nous nous prononcerons donc également, le 3 mars prochain, sur cette votation populaire.
L’initiative « Pour une prévoyance vieillesse sûre et pérenne » (dite « initiative sur les rentes ») vise à relever l’âge de la retraite à 66 ans de manière générale et, dans un deuxième temps, à le coupler à l’espérance de vie. Cela l’augmenterait encore davantage. La justification des Jeunes Libéraux-Radicaux : sans ces aménagements, l’AVS fera faillite, car les gens vivent aujourd’hui plus longtemps. La plate-forme « direct » montre pourquoi l’argumentation des Jeunes Libéraux-Radicaux ne tient pas la route.
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Des caisses vides ? Mon œil !
Lorsqu’il est question du financement de l’AVS, le camp bourgeois aime peindre le diable sur la muraille. Depuis des années, il met en garde contre le fait que l’AVS est au bord de l’effondrement financier. Il cimente ainsi l’idée selon laquelle l’augmentation actuellement supérieure à la moyenne du nombre de retraité-es pose des problèmes insolubles à la prévoyance vieillesse. Or, cela est impossible à prouver. Les prévisions faites à ce jour se sont révélées à plusieurs reprises erronées et trop pessimistes. L’AVS a clos l’exercice 2022 avec un résultat de répartition positif de 1,6 milliard de francs.
Dans la discussion sur le financement de l’AVS, il faut en outre tenir compte du fait que certaines réformes ont déjà été adoptées. Cela vaut, d’une part, pour le projet RFFA (Réforme fiscale et financement de l’AVS), que les citoyen-nes ont approuvé en 2019, et, d’autre part, pour le projet de réforme AVS21, accepté à une très courte majorité lors de la votation de septembre 2022.
Dans le débat, on néglige en outre le fait que le financement de l’AVS ne dépend pas uniquement de l’évolution démographique et du nombre de retraité-es. Le montant versé à l’AVS est lui aussi déterminant. Il dépend de la masse salariale. Si celle-ci augmente, comme cela a été le cas au cours des dernières décennies, les recettes de l’AVS augmentent elles aussi. L’intégration croissante des femmes dans le marché du travail ainsi que la croissance économique et la migration ont contribué et contribuent encore largement à cette tendance.
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Une retraite anticipée réservée aux hauts revenus
Les personnes qui gagnent peu peuvent moins cotiser à la prévoyance vieillesse et reçoivent donc une rente plus faible. Les bas et moyens revenus ne peuvent donc guère se permettre de prendre une retraite anticipée.
Si ces personnes perdent leur emploi juste avant d’atteindre l’âge de la retraite, il leur est quasi impossible de trouver (encore) un emploi. Ce n’est donc pas en repoussant l’âge de la retraite que l’on pourra réduire le chômage et mieux faire face à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Il faut plutôt, dès aujourd’hui, mettre en œuvre des mesures efficaces contre le chômage des plus de 55 ans. En effet, on observe notamment que le chômage de longue durée est très élevé dans cette catégorie d’âge.
Quelques grandes entreprises comme Swisscom ont pour cette raison introduit la « retraite partielle ». Les employé-es plus âgé-es peuvent ainsi réduire leur temps de travail. L’employeur continue toutefois de payer des cotisations sur la totalité du salaire assuré.
Selon les indications du Conseil fédéral, l’automatisme prévu par l’initiative des Jeunes Libéraux-Radicaux pour le relèvement de l’âge de la retraite ne tient compte ni de la situation réelle des travailleurs-euses âgé-es sur le marché du travail ni du contexte social.
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Les riches ont tendance à vivre plus longtemps
Non seulement les riches peuvent prendre leur retraite plus tôt, mais encore elles et ils ont tendance à vivre plus longtemps que les personnes dont le revenu est faible ou moyen. En effet, l’espérance de vie est largement influencée par le revenu et le niveau de formation.
C’est ce que montre une étude genevoise : entre 1990 et 2014, la durée de vie en bonne santé s’est allongée chez les personnes ayant un niveau de formation élevé. Alors que la santé des personnes ayant un faible niveau d’éducation s’est détériorée. L’archi-libérale NZZ reconnaît également ce fait et a donné à l’un de ses articles le titre suivant : « Pourquoi les riches ont plus de chances de vivre en bonne santé ».
Cette inégalité s’accentue avec l’indexation de l’âge de la retraite sur l’espérance de vie, car celle-ci représente une valeur moyenne fictive. Les personnes ayant un revenu faible ou moyen sont ainsi doublement pénalisées. Elles ne peuvent pas se permettre de prendre leur retraite plus tôt et elles vivent en moyenne moins longtemps que les personnes disposant d’un revenu élevé. En résumé : la personne qui gagne moins a finalement moins de temps de vie à la retraite.