Interdire les armes nucléaires permettrait de sortir de l’euphorie du réarmement

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a lancé, avec une large alliance, une initiative pour l’interdiction des armes nucléaires. Il veut ainsi inciter le Conseil fédéral à signer le traité d’interdiction des armes nucléaires de l’ONU. « direct» a demandé à Roxane Steiger, secrétaire politique au GSsA, pourquoi cette initiative est nécessaire.

Lancement de l'initiative sur l'interdiction des armes nucléaires par le GSsA, photographié le mardi 2 juillet 2024 à Berne. (liveit.ch / Jana Leu)

« direct » : le GSsA a lancé, avec d’autres organisations, une initiative pour l’interdiction des armes nucléaires. Celle-ci demande au Conseil fédéral d’adhérer au traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires.  Jusqu’à présent, 93 États ont signé le traité, dont l’Irlande, l’Autriche et Malte. Un nombre remarquablement élevé d’États du Sud global ont signé le traité. Pourquoi ?

Roxane Steiger : Les États qui possèdent des armes nucléaires se comptent sur les doigts des deux mains. Il y a une extrême concentration de pouvoir. La plupart des pays du Sud n’en font pas partie. C’est pour cette raison que les États qui luttent contre les conséquences des décisions des puissances nucléaires se sont réunis à l’ONU autour du traité d’interdiction des armes nucléaires. Ils veulent s’engager pour un ordre international plus juste et plus sûr. À cela s’ajoute le problème de l’extraction de l’uranium : celle-ci cause de graves dommages environnementaux dans de nombreux pays du Sud global. Les populations, le plus souvent indigènes, sont également beaucoup trop peu protégées contre le rayonnement radioactif. Le traité d’interdiction des armes nucléaires reconnaît ces problèmes et prévoit des mesures de soutien.

Roxane Steiger du GSsA. Photo : Jana Leu (liveit.ch)

« Le traité d’interdiction des armes nucléaires est un changement de paradigme : il montre la voie pour sortir de la spirale actuelle de l’armement. De nombreux accords internationaux s’effondrent à cause des guerres actuelles ».

« direct » : Quelles seraient les conséquences d’une adhésion de la Suisse au traité sur le plan international et pour la Suisse ?

Roxane Steiger : La Suisse devrait arrêter toutes ses activités liées aux armes nucléaires. En tant que pays neutre et dépositaire des Conventions de Genève, nous considérons que la Suisse a une responsabilité particulière à cet égard. Si la Suisse adhérait au traité d’interdiction des armes nucléaires, elle pourrait ainsi contribuer directement à une architecture de sécurité durable et à long terme dans le monde. La crainte qu’une signature mette en péril la collaboration avec l’OTAN est démentie par l’adhésion de l’Autriche. L’Autriche est également un État neutre. La signature du traité n’a pas eu d’influence sur la coopération militaire avec l’OTAN.

« direct » : Pourquoi le traité d’interdiction des armes nucléaires est-il important ?

Roxane Steiger : Le traité d’interdiction des armes nucléaires est un changement de paradigme : il montre une voie pour sortir de la spirale actuelle de l’armement. De nombreux accords internationaux s’effondrent à cause des guerres actuelles. Vladimir Poutine menace activement d’utiliser des armes nucléaires. C’est précisément à une époque où la menace des armes nucléaires augmente à nouveau qu’un engagement clair en faveur de la nécessité et du renforcement du désarmement nucléaire est plus urgent et plus important que jamais pour faire avancer les efforts de paix.

« direct » : les puissances nucléaires actuelles ne participent pas au traité pour le moment. Le traité n’est-il pas de toute façon inefficace ?

Roxane Steiger : Le désarmement prend du temps. L’exemple des armes chimiques et biologiques le montre. Celles-ci sont désormais proscrites par de nombreux États, dont la Suisse. Partant des conséquences humanitaires, les États qui n’étaient pas en possession de telles armes ont d’abord formulé une interdiction en droit international. Il en a résulté une pression normative, juridique et politique. Cela a également poussé les États détenteurs à désarmer. Ce fut un processus long mais important. Dans le cas des armes nucléaires également, il est important que le plus grand nombre possible d’États adhèrent au traité.

« Presque personne ne trouve que les armes nucléaires sont une bonne chose. Lors de la collecte des signatures, les gens sont souvent très indigné-és que la Suisse n’ait pas déjà signé le traité depuis longtemps ».

« direct » : L’alliance autour de l’initiative comprend également la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN). Cette organisation a reçu le prix Nobel de la paix pour son engagement contre les armes nucléaires. Quel est leur rôle dans l’initiative ?

Roxane Steiger : ICAN a participé à la négociation du traité. L’organisation essaie de lancer une campagne dans le plus grand nombre possible d’États pour qu’ils signent le traité. C’est ce qui s’est passé en Suisse. ICAN nous a contacté-es avec l’idée d’une initiative populaire, car tous les moyens avaient été épuisés pour amener le Conseil fédéral à adhérer au traité. Désormais, nous partageons la présidence de l’Alliance pour l’interdiction des armes nucléaires avec d’autres organisations partenaires. Nous ne pouvons que profiter de la longue expertise de l’ICAN.

« direct » : Quelles sont les chances de cette initiative ?

Roxane Steiger : L’initiative a de bonnes chances d’être acceptée. Presque personne ne soutient les armes nucléaires. Lors de la collecte des signatures, les gens sont souvent très indigné-es que la Suisse n’ait pas déjà signé le traité. Beaucoup considèrent que la Suisse a aussi un devoir à remplir en raison de sa tradition humanitaire.

Ce que propose l’initiative pour l’interdiction des armes nucléaires

L’initiative pour l’interdiction des armes nucléaires demande au Conseil fédéral de signer le traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires. Ce traité interdit aux États de développer, de tester, de produire et de posséder des armes nucléaires. En outre, il interdit également le transfert, le stockage, l’utilisation et la menace d’armes nucléaires. Les États qui ne respectent pas ce traité ne doivent pas être soutenus dans ces activités.

L’initiative est soutenue par une large alliance. Outre diverses organisations de la société civile, des partis politiques allant bien au-delà de la gauche sont représentés, à savoir le PVL, le PEV et le Centre. L’ancienne conseillère fédérale socialiste Micheline Calmy-Rey est également membre du comité d’initiative.

 

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