« La crèche : première école de la diversité » — Journal d’une éducatrice #4

La mixité et l’égalité ne se décrètent pas à l’école, elles se construisent dès la crèche, affirme Amanda Ojalvo. Une véritable diversité bénéficie non seulement aux enfants, mais à toute la société. Pour cela, il faut des crèches accessibles à chaque famille.

Gros plan sur l’arrière d’une rangée d’enfants d’âges préscolaires, assis en classe et levant la main pour répondre à l’enseignant. L’un des enfants, une fillette aux cheveux tressés ornés de perles, porte une robe à motifs colorés. Le portrait d’une femme souriante aux cheveux bruns est superposé.
Images : mise à disposition/Unsplash

On parle souvent des crèches comme d’un simple service de garde pour les parents qui travaillent où des adultes jouent avec vos enfants. Pourtant, ces lieux sont bien plus que cela : ils sont le terreau fertile où germent la curiosité, la tolérance et l’égalité des chances.

Derrière les murs d’une crèche, on entend souvent un joyeux mélange de langues. Des enfants jouent ensemble sans se soucier de leurs différences, explorent les mêmes histoires, apprennent les mêmes chansons, découvrent d’autres cultures comme on découvre un nouveau jeu. Ce brassage précoce est un formidable levier d’ouverture : il stimule le langage, élargit la curiosité et forge une tolérance naturelle qui restera gravée bien au-delà de la petite enfance.

« L’intelligence collective et le partage des savoirs, des cultures et des expériences est un beau levier pour une société du vivre ensemble où chaque être humain à sa place »

Le contexte actuel, dans lequel l’esprit de l’isolationnisme national et culturel règne, rend ces lieux d’autant plus précieux. Certain-es politicien-nes de droite veulent nous faire croire que de rester homogènes est la meilleure solution à nos problèmes. Comme si la politique des silos et maintenir les individus séparés par catégorie, était la solution et un gage de protection.

L’histoire nous l’a démontré, à trop séparer les populations, par caste, culture, religion … on ne résout aucun problème. Diviser pour mieux régner n’a jamais été la solution, au contraire ! L’intelligence collective et le partage des savoirs, des cultures et des expériences en revanche est un beau levier pour une société du vivre ensemble où chaque être humain à sa place.

Investir dans la diversité

Le problème, c’est que l’accueil extrafamilial pour les petits enfants est chroniquement sous-financé. Dans de nombreuses communes, la demande de places en accueil extra-familiale dépasse largement l’offre. Les familles doivent parfois patienter plus d’un an, jongler entre solutions précaires ou renoncer à travailler faute de mode de garde. Cette tension sur les capacités d’accueil accentue les inégalités d’accès et prive des dizaines d’enfants de cette expérience fondatrice.

« l’accès à la crèche permet déjà à des enfants issus de familles très diverses de commencer l’école avec un vocabulaire élargi, une meilleure aisance sociale et une plus grande confiance en leurs capacités »

Pourtant, les bénéfices sont largement documentés. Selon l’OCDE, un accueil préscolaire de qualité peut améliorer de 15 à 20 % les résultats scolaires à l’entrée en primaire et réduire significativement le risque de décrochage. L’UNICEF rappelle que les interactions sociales variées en crèche développent les compétences socio-émotionnelles, essentielles pour la coopération, la gestion des conflits et l’empathie.

Sur le plan linguistique, les enfants exposés à plusieurs langues dès la petite enfance présentent souvent une meilleure capacité d’abstraction et une flexibilité cognitive accrue. Enfin, chaque franc investi dans la petite enfance rapporte, selon les estimations de l’économiste James Heckman, jusqu’à 7 francs à long terme, grâce à une diminution des dépenses sociales et judiciaires et à une augmentation de la productivité future.

La mixité enrichit notre intelligence

Dans de nombreux cantons, l’accès à la crèche permet déjà à des enfants issus de familles très diverses de commencer l’école avec un vocabulaire élargi, une meilleure aisance sociale et une plus grande confiance en leurs capacités. Ce socle commun est un atout majeur pour la suite de leur parcours scolaire et citoyen.

Mais pour que cette richesse existe, il faut que la mixité soit réelle. Aujourd’hui, les places en crèche publique sont limitées et les coûts du privé excluent de nombreuses familles. Ce tri social à l’entrée de la vie fragilise ce que la crèche a de plus précieux : sa capacité à rassembler et à donner à chaque enfant les mêmes bases pour s’épanouir.

« Comme les écoles ou les hôpitaux, les structures d’accueil extra-familiales font partie des infrastructures essentielles. La crèche n’est pas une dépense de confort »

Face à cela, nous avons une responsabilité politique claire. Nous devons renforcer un service public solide et ambitieux, avec des crèches accessibles et de qualité pour offrir à chaque enfant un départ équitable ainsi qu’un congé parental d’un an, afin de bâtir l’avenir de toute la société. Comme les écoles ou les hôpitaux, les structures d’accueil extra-familiales font partie des infrastructures essentielles.

La crèche n’est pas une dépense de confort : c’est un investissement stratégique. Offrir à chaque enfant la chance de grandir dans un environnement ouvert et stimulant encadré par des professionnel-les qualifié-es, c’est se donner les moyens d’un avenir commun plus solide.


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