Samson Yemane : « Le monde du travail est le plus touché par le racisme »

À l’occasion de la semaine contre le racisme, l’expert Samson Yemane appelle à renforcer l’arsenal juridique contre les discriminations raciales. Il souhaite s’attaquer en priorité au monde du travail : une majorité des personnes qui indiquent avoir été victimes de discriminations raciales rapportent des incidents au travail ou à la recherche d’un poste.

Une photo de Samson Yemane
Image mise à disposition par l'auteur

En Suisse, la discrimination raciale reste une réalité quotidienne qui impacte profondément la vie de nombreuses personnes. Selon le Service de lutte contre le racisme (SLR), 17 % de la population résidante a déclaré en 2022 avoir été confrontée à une discrimination raciale au cours des cinq années précédentes, soit environ 1,2 million de personnes.

« Il faut le dire ! L’arsenal juridique contre le racisme est largement insuffisant. »

Le monde du travail est le domaine le plus touché : 69 % des personnes concernées rapportent des incidents liés à leur emploi ou à la recherche d’un poste. Malgré ce constat alarmant, le racisme structurel persiste dans plusieurs secteurs de la société, tandis que les mesures institutionnelles mises en place restent insuffisantes, mettant ainsi en péril la cohésion sociale.

Seuls deux articles contre le racisme au travail

Il faut le dire ! L’arsenal juridique contre le racisme est largement insuffisant, limitant ainsi la protection des personnes concernées et freinant une lutte efficace contre les discriminations raciales. Actuellement, seules deux dispositions légales abordent explicitement cette problématique : l’article 261 bis du Code pénal, qui sanctionne la discrimination raciale et l’incitation à la haine, et l’article 328 du Code des obligations, qui interdit la discrimination raciale dans le cadre professionnel et impose aux employeurs de respecter et protéger l’intégrité des travailleuses et travailleurs. Or, ces deux articles ne suffisent pas à encadrer ni à réprimer efficacement les multiples formes de racisme qui persistent dans la société.

En effet, les personnes concernées ne bénéficient pas d’un soutien adéquat, car les recours sont limités et la charge de la preuve repose souvent sur elles, ce qui les dissuade de porter plainte. De plus, cette faiblesse juridique confère un pouvoir disproportionné aux procureur-es et aux juges, dont l’appréciation subjective joue un rôle déterminant dans le traitement des plaintes.

« Les magistrat-es ne sont pas suffisamment sensibilisé-es aux enjeux du racisme structurel. »

Or, ces mêmes magistrat-es ne sont pas toujours suffisamment formé-es ou sensibilisé-es aux enjeux du racisme structurel, ce qui entraîne une tendance à classer les dossiers sans suite, faute de preuves « suffisantes » ou par méconnaissance des mécanismes discriminatoires. Ce biais institutionnel alimente ainsi un cercle vicieux où les actes racistes restent impunis, nourrissant un sentiment d’injustice et de méfiance envers le système judiciaire.

Pour remédier à cette situation, il est impératif de renforcer le cadre juridique en introduisant de nouvelles dispositions légales, notamment pour reconnaître les différentes formes de discrimination raciale (structurelle, institutionnelle, directe et indirecte) et garantir une meilleure protection aux personnes concernées. Seule une réforme ambitieuse et volontariste du droit permettra d’offrir aux personnes victimes les moyens de se défendre et d’intensifier l’engagement de l’État dans la lutte contre le racisme. Agissons maintenant !

Samson Yemane est politologue et conseiller communal socialiste à Lausanne. De plus, il est membre de la Commission fédérale contre le racisme qui a pour mandat de lutter contre la discrimination raciale.

Cet article est un « champ libre » et reflète l’opinion de son auteur.


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