Depuis 2008, les « 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes » se tiennent chaque année en Suisse. Cet événement vise à sensibiliser sur les violences basées sur le genre. Ce projet a été initié en Suisse et au Liechtenstein par Frieda (anciennement cfd). Cette année, plus de 90 organisations appellent à une mobilisation nationale pour inaugurer ces journées d’action. « direct » s’est entretenu avec Anna-Béatrice Schmaltz, responsable du projet.
« Chaque deux semaines, une femme meurt en Suisse sous les coups de son partenaire ou ex-partenaire. Ce chiffre n’est que la partie visible de l’iceberg. »
« direct » : Pourquoi organiser une manifestation nationale dans le cadre des 16 jours d’action ?
Chaque deux semaines, une femme meurt en Suisse sous les coups de son partenaire ou ex-partenaire. Ce chiffre n’est que la partie visible de l’iceberg. L’année dernière, 49 055 consultations ont été enregistrées par les services d’aide aux victimes, un chiffre en hausse constante. Les violences basées sur le genre sont une réalité quotidienne en Suisse, mais les réponses politiques restent insuffisantes : les victimes manquent de soutien, et les efforts de prévention manquent de moyens.
Cette manifestation vise à envoyer un message fort. Pour prévenir les violences de manière durable et soutenir efficacement les victimes, des mesures concrètes et ambitieuses doivent être adoptées. Nous voulons sensibiliser la société et interpeller les responsables politiques. La lutte contre la violence patriarcale est l’affaire de tou-tes. Les autorités doivent enfin prendre leurs responsabilités et placer la protection des victimes au cœur de leurs priorités.
« Les organisations demandent à la Confédération et aux cantons de considérer enfin la lutte contre les violences domestiques, sexuelles et sexistes comme une priorité politique. »
« direct » : Quelles sont les revendications des organisations ?
Nous appelons à une mobilisation collective pour une société sans violences. Les organisations demandent à la Confédération et aux cantons de considérer enfin la lutte contre les violences domestiques, sexuelles et sexistes comme une priorité politique. Il est impératif de garantir un nombre suffisant de places sécurisées pour les victimes, avec un financement pérenne des structures d’accueil. Les aides financières aux victimes doivent également être renforcées. Par ailleurs, l’accès aux centres de conseil et aux refuges doit être garanti à tou-tes, notamment aux personnes LGBTQIA+, aux personnes handicapées, réfugiées, migrantes ou racisées. Il est essentiel de prévoir un suivi adéquat pour les victimes.
« Seules 50 % des victimes de violences sexuelles se confient à quelqu’un, selon une étude gfs.berne. Seuls 10 % signalent les faits à la police, et 8 % portent plainte. »
« direct » : Trump, un homme reconnu coupable d’agressions sexuelles, a été élu nouveau président des États-Unis. Quel impact cela a-t-il sur la lutte contre les violences sexistes en Suisse ?
Cela illustre la nécessité de continuer à se mobiliser avec force. En Suisse aussi, les victimes de violences sont souvent insuffisamment prises au sérieux, et on leur attribue encore une part de responsabilité. En cas de violences sexuelles, il est fréquemment insinué que la victime aurait dû mieux se défendre ou que sa tenue vestimentaire était provocante. Les violences basées sur le genre sont minimisées et banalisées : les médias parlent de « drames conjugaux » ou de « crimes passionnels » au lieu de féminicides.
Ces représentations ont pour effet que seules 50 % des victimes de violences sexuelles se confient à quelqu’un, selon une étude gfs.berne. Seuls 10 % signalent les faits à la police, et 8 % portent plainte. Cela prive les victimes de l’aide à laquelle elles ont droit. La société doit prendre davantage ses responsabilités et exiger des auteurs qu’ils rendent des comptes.
« direct » : Assistons-nous à un recul dans la lutte pour l’égalité ?
L’engagement pour l’égalité est plus difficile aujourd’hui. Les ressources et financements sont souvent réduits, et une partie du discours public tend à présenter cet engagement comme excessif ou inutile. Cependant, des progrès majeurs ont été réalisés ces dernières années, comme la révision du droit pénal sexuel, en vigueur depuis juillet 2024, où le principe « Non, c’est non » s’applique enfin. La ratification de la Convention d’Istanbul en 2017 est également un jalon important, obligeant la Suisse à adopter des mesures globales contre les violences de genre.
« Les femmes en situation de handicap, les réfugiées ou les personnes transgenres sont particulièrement exposées. L’engagement pour l’égalité est donc un engagement essentiel pour une société sans violences. »
« direct » : Quel lien entre égalité et lutte contre les violences sexistes ?
L’égalité et la prévention des violences sont indissociables. L’absence d’égalité alimente les violences genrées. La dévalorisation de la féminité, le refus de reconnaître l’autonomie des femmes, le harcèlement sexuel, la violence psychologique comme l’isolement et le contrôle, ou encore les formes extrêmes de violences comme le viol et les féminicides trouvent leur source dans ces inégalités.
Les discriminations comme le racisme ou l’hostilité envers les personnes handicapées aggravent aussi les risques de violence. Les femmes en situation de handicap, les réfugiées ou les personnes transgenres sont particulièrement exposées. L’engagement pour l’égalité est donc un engagement essentiel pour une société sans violences.
« direct » : Que pouvons-nous faire pour avancer ?
La mobilisation de la société civile est essentielle. Depuis des décennies, de nombreux-euses militant-es, organisations et citoyen-nes s’investissent pour une société plus juste, notamment dans le cadre des « 16 jours d’activisme ». Nous devons continuer à nous battre collectivement pour éradiquer toutes les formes de violences. J’espère que cette mobilisation renforcera la prise de conscience de son importance et que la prévention des violences deviendra enfin une priorité politique.
La campagne « 16 Days of Activism Against Gender Violence » a été lancée en 1991 par le « Women’s Global Leadership ». Les 16 jours d’activisme commencent toujours le 25 novembre, Journée internationale contre la violence à l’égard des femmes, et se terminent le 10 décembre, Journée des droits humains. Ces dates visent à montrer clairement que les droits des femmes et des minorités de genre sont des droits humains. En 2008, Frieda — l’ONG féministe pour la paix a lancé pour la première fois en Suisse la campagne « 16 jours contre la violence envers les femmes ». Depuis, près de 300 organisations contribuent chaque année à la campagne avec un programme varié d’activités et de manifestations. https://www.16jours.ch/